PHNOM PENH EN DEVENIR

Le Cambodge est un pays aux multiples visages et chargé d’histoire. De l’incroyable empire khmer dont le site d’Angkor n’est qu’un des vestiges, au génocide perpétré par les khmers rouges et du protectorat français, à l’ouverture à l’économie mondiale notamment via l’industrie textile, on peut facilement perdre la tête dans l’histoire riche et tourmentée de ce pays.

Nous y avons effectué un circuit sans aucune logique puisque nous avons eu la chance qu’une partie de notre famille nous y rejoigne pour les fêtes. Nous avons donc adapté notre mode de voyage pour faire une 1ère boucle avec le père, la belle-mère et la petite sœur de Charlotte, puis une nouvelle boucle avec la mère de Charlotte.

Nous avons ainsi pu tester nos talents de tour-opérateurs, et nous réchauffer le cœur dans le partage familial de cette incroyable expérience tourdumondiste. De plus, le tourisme au Cambodge est vraiment récent car le pays n’est plus en conflit réellement depuis seulement 5 ans et seules les grandes villes ont commencé la mise en place d’infrastructures pour le tourisme, comme Phnom Penh, qui nous a semblé une ville en plein devenir.

· PHNOM PENH : UNE VILLE, UNE HISTOIRE

On aurait pu développer dans l’article Mythes, la légende de Phnom Penh. En effet, une vieille femme du nom de Penh aurait découvert 4 représentations du Bouddha sur les berges du Mékong. Elle les installa sur une colline voisine, et la ville qui s’éleva alentour fut appelée Phnom Penh, la « colline de Penh ».

Plus récemment, Phnom Penh remplaça surtout Angkor comme capitale vers 1430, jouissant d’une position plus centrale dans le territoire khmer, plus éloignée des attaques siamoises (thaïlandaises) d’Ayuthaya, et parfaitement située pour le négoce fluvial avec le Laos et la Chine, via le delta du Mékong.

En 1863, les Français arrivèrent et divisèrent la ville en quartiers : administrateurs français et négociants européens au nord du Vat Phnom (le célèbre temple de la ville) ; les commerçants chinois sur le quai entre le Vat Phnom et le Palais Royal ; les Cambodgiens et les Vietnamiens aux abords et au sud du Palais Royal.

Phnom Penh connut un développement rapide dans les années qui suivirent l’indépendance en 1953. Elle comptait 500 000 habitants en 1970. Avec l’extension de la guerre du Vietnam au Cambodge, elle accueillit de nombreux réfugiés, jusqu’à atteindre 3 millions d’habitants en 1975. Et puis vinrent les Khmers rouges… le 17 avril 1975.

Ils obligèrent la population à partir dans les campagnes au nom d’une révolution radicale. Entre massacres, exodes, éclatement des familles, il faut imaginer, la ville s’est totalement vidée et ne compta plus alors que 50 000 habitants !

Puis entre la libération par les Vietnamiens, puis l’arrivée de l’Apronuc (Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge), la ville se repeupla petit à petit, et changea vraiment au début des années 2000. Rénovation des rues, construction de quartiers d’affaires, aménagement des berges, émergence de gratte-ciel, la ville est en plein devenir. La circulation y est intense comme dans les grandes villes d’Asie du Sud-Est, entre motos, vélos, tuktuk, voitures (Honda et autres grosses Lexus ou Range Rover), on cherche désespérément un trottoir où trouver un peu de répit, et on sent plus qu’ailleurs une misère et un récent passé chaotique. Il est rare de voir en Asie du Sud-Est des gens dormir dans la rue car le sens communautaire limite ce type de cas et il y a aussi les temples où les plus miséreux peuvent être accueillis. Mais au Cambodge, c’est différent : la guerre et les Khmers rouges ont fait beaucoup de dégâts, les familles ont été séparées, et 60% de la population à moins de 25 ans (et 40% – de 16). Pour autant, on perçoit aussi une énergie, une volonté, une soif de vivre. Si Phnom Penh fut sûrement la capitale de la peine dans les années 1970, aujourd’hui les grues, les nombreux chantiers, comme les sourires sur les visages, les chauffeurs de tuktuk à l’affût de clients, ou ces jeunes défavorisés qui apprennent un métier dans les nombreux restaurants mis en place par des ONG ont été pour nous des témoins de cette ville en plein devenir. On sent l’espoir et l’envie, et on a envie d’y croire !

· LES MARCHES DE PHNOM PENH

Les marchés sont un incontournable pour prendre la température de la ville, et comprendre rapidement les habitudes de consommation des habitants. Nous avons adoré parcourir en famille les dédales de quelques marchés de Phnom Penh : le Psar Thmei, le marché russe et le marché de nuit. Le Psar Thmei qui est le marché central s’organise autour d’un dôme immense, l’un des dix plus grands au monde, avec des allées organisées en étoile autour du hall central. Son style art-déco nous rappellerait presque la France, mais dès qu’on se perd dans le dédale des échoppes, plus de doute possible, on est bien au Cambodge. Les branches sont comme toujours organisées par thème : vêtements (vêtements de tous les jours en passant par les incontournables pantalons indiens avec éléphants, étoles synthétiques ou en soie sauvage, et les multiples tee-shirts que tous les touristes recherchent : Tintin au Cambodge, no tuk-tuk no money, ou same same but different), bijoux (avec des artisans qui créent ou réparent des bijoux devant vos yeux), stand de couture pour les plus aventuriers qui se font faire des tenues ou juste pour les locaux qui ont l’habitude d’utiliser les talents des nombreuses couturières installées dans le marché (rappelons que le Cambodge est l’un des gros producteurs de textile et qu’il s’agit de sa première source de revenus, suivi du tourisme), antiquités ou artisanat local, quincaillerie, bricolage, fruits et légumes avec toute la panoplie d’exotisme (herbes aromatiques étranges, fruits du dragon, mangoustans, ramboutans, longanes, papayes vertes ou le très recherché durian dont les asiatiques raffolent et dont les barang se méfient : le goût est plutôt agréable si l’on a réussi à dépasser l’odeur de roquefort qui en émane…), poissons et viandes avec cigales de mer et langoustes vivantes… Bref tout un bric à brac asiatique comme on les aime.

· A PENH ARRIVES

Rien de mieux qu’un tour en tuk-tuk ou en van pour faire un petit tour de la ville, prendre l’atmosphère et se faire une idée des lieux. C’est ce que nous avons fait lors de nos deux passages successifs à Phnom Penh.

Cela nous a permis de faire quelques haltes : au stade olympique pour contempler l’architecture des années 1960, devant le Parlement au style soviétique carré et solide mais avec une fausse tour angkorienne au centre, devant l’Ambassade de France, mais aussi devant le Monument de l’Indépendance, érigé en 1958 pour commémorer le départ des « vilains » français (1953), et enfin le monument de l’Amitié Cambodge-Vietnam, notre préféré en terme d’hypocrisie puisque même si ce sont les vietnamiens qui ont libéré le Cambodge des Khmers Rouges, ils perdurent dans l’inconscient collectif cambodgien comme étant à la source de tous leurs problèmes. Il suffit de regarder la réaction des cambodgiens quand on leur annonce qu’on part au Vietnam, ou de suggérer à un homme d’épouser une vietnamienne. Succès garanti, on a l’impression de leur faire imaginer un film d’épouvante !

· VISITE ROYALE : PALAIS ROYAL ET PAGODE D’ARGENT

Avec ses toits khmers et ses dorures, le Palais Royal trône au bord du fleuve, et ne manque pas de nous rappeler un autre Palais Royal, celui de Bangkok. C’est toujours la résidence officielle de l’actuel roi Sihamoni et son accès est donc limité à la salle du Trône, quelques bâtiments voisins et la célèbre pagode d’Argent. On aurait bien aimé visité le pavillon de Napoléon III, offert au roi Norodom Ier par l’impératrice Eugénie : ce n’est quand même pas tous les jours qu’on trouve une construction française digne de nos plus belles halles en fer dans un Palais Royal asiatique… Mais le fer n’étant justement pas très bien adapté au climat cambodgien, il était en réfection lors de notre passage !

Cet ensemble nous a surtout conquis par ses magnifiques jardins superbement entretenus entre arbres du voyageur et orchidées rares. Quant à la pagode d’Argent, on est bien sûr ravi que les khmers rouges l’aient épargnée. Il leur fallait quelques preuves de leur souci de préserver l’héritage culturel. Dire que même les émissaire suédois (les seuls à avoir été autorisés à entrer au Cambodge) se sont laissés piégés, c’est dire si le simulacre était bien organisé.

En pénétrant dans cette pagode qui abrite le Bouddha d’Emeraude (en fait, un Bouddha en cristal de baccarat vert, comme Mathieu a insisté fortement sur l’origine lorraine), on ne s’attend pas à trouver une pagode avec des dalles d’argent en guise de sol… plus de 5000 tout de même et chacune pesant un kilo. Non, nous n’avons pas descellé de dalle pour faire une contre pesée, car « y’en a qui ont essayé, mais ils ont eu des problèmes » ! Bien que plus de la moitié de ses trésors aient disparu entre vol, destruction et perte, ce qui subsiste donne une bonne idée de ce que la civilisation khmère a pu être. Riche et créative.

Enfin nous avons fait le tour du mur d’enceinte, une immense et magnifique fresque illustrant le récit épique du Reamker (adaptation cambodgienne du Ramayana, heureusement avec 6 semaines en Inde, on est au point sur le Ramayana, cf article Quelques mots sur l’hindouisme).

· MUSEE NATIONAL : ANGKOR DES STATUES

N’ayons pas peur des mots, notre musée préféré depuis le début de notre périple. Ce charmant ensemble, conçu par Georges Groslier (l’un des conservateurs d’Angkor, français, vous vous en doutez, vu son nom !), est en soi un havre de paix : petits pavillons en terre, encadrant un charmant jardin abritant frangipaniers et jolis bassins, et un petit courant d’air absolument parfait rafraichit l’ensemble… Et ce n’est pas Mireille (mère de Charlotte), que l’on a surpris méditative dans le jardin qui dira le contraire ! Même les plus réfractaires aux musées tomberaient sous le charme

Outre le cadre, il renferme la plus belle collection du monde de sculptures khmères et notamment de sublimes pièces provenant du site d’Angkor, et comme à cette époque et à l’époque pré-angkorienne, le Cambodge était hindouiste, on est content d’avoir bien potassé notre panthéon hindou ainsi que la mythologie. On fera donc une petite digression sur la nouveauté de notre visite : la découverte d’un Harihara, représentation qui combine les dieux Shiva et Vishnou, le tout dans un style très Dalinien. Nous sommes restés béats devant un certain nombre de statues, soit que certaines nous rappelaient étrangement des sculptures égyptiennes, soit que nous étions juste saisis par leur beauté. Mathieu s’est régalé devant les photos en noir et blanc de 2m/3 des sites où étaient entreposées les statues avant de les rapatrier au musée.

Mireille et Charlotte se voyaient avec quelques-unes d’entre elles dans leurs maisons, mais Christian et Danielle s’étaient renseignés avant de partir et nous n’avions pas trouvé de container pour ramener tout ça !

· VAT PHNOM

Que serait un voyage en Asie sans une visite de temple, et qui plus est la colline qui porte l’histoire de Phnom Penh. C’est sur cette colline que Mme Penh déposa les 4 représentations du Bouddha qu’elle avait trouvé au bord du Mékong. On y trouve donc une sympathique statue de Mme Penh au milieu des différents bouddhas, et même un pavillon qui lui est consacré.

C’est un temple très important pour les étudiants ou les businessmen qui viennent y prier pour la réussite aux examens ou dans les affaires. Si le vœu est exaucé, le fidèle revient porter l’offrande promise lors de la prière. Il semblerait que dans la famille Vignoles, certains aient fait un vœu, mais on ne sait pas si c’est pour que le vœu se réalise ou juste pour revenir au Cambodge ou peut-être que le vœu était de revenir au Cambodge…

Une réflexion sur “PHNOM PENH EN DEVENIR

  1. La plume de PHNOM,
    A 5 ans le voilà avec d’immenses buildings, protégé autant par ses temples que par son arbre à chauve souris, doté d’un patrimoine tout autant inspiré par Tintin au pays des Soviets que par Tintin en tuk tuk au Cambodge le long de palais hindouistes.
    Dans 13 ans PHNOM sera majeur et notre Cambodge que sera-t-il devenu, son activité, ses sourires, sa bienveillance, son accueil?
    Alors n’attendez pas, rejoignez vite l’oncle PHNOM et avec Tintin « tuktukez » dans la campagne cambodgienne à vous régaler de rizières, de lotus, de nénuphars,de poivres divers, pour le vert alliez le au crabe de KEP, et goûtez à la mer hospitalière dans des cadres idylliques, j’en ai ANGKOR le frisson, ah si j’oubliais, si vous ne craignez pas l’excédent de bagages au retour, il y a des milliers de bouddhas en pierre construits au bord de la route par les tailleurs de pierre locaux, il y en aura bien un à votre convenance, sans doute de la taille de PHNOM!

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