Ahmedabad – sur les traces de Gandhi

Cette ville était, pour nous, avant tout un moyen de rejoindre Goa, mais elle est bien plus que ça ! Capitale du Gujarat (Etat le plus à l’Ouest de l’Inde), Ahmedabad est connue pour sa cuisine mais surtout pour avoir été la ville où Gandhi a mené son combat pendant de nombreuses années.

dscn6433Nous en avons donc profité pour aller visiter son ashram (communauté religieuse de personnes partageant des idéaux) qui a été transformé en musée et conservé à l’identique. Ce lieu est un véritable havre de paix légèrement au Nord du centre de la ville. Nous avons beaucoup apprécié cet endroit. Tout est fait de manière simple, avec des matériaux recyclés, avec humilité et pertinence à l’image du Mahatma, le tout 100% gratuit (1ère fois que nous voyons cela en Inde) et avec traduction en anglais afin de rendre les informations accessibles au plus grand nombre. On a trouvé que cela était tout à fait conforme à la manière dont Gandhi envisageait son ashram.

Nous ne vous referons pas ici sa biographie détaillée, simplement les quelques faits importants et anecdotes que nous avons découvertes et qui nous ont inspirés.

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On connaissait dans les grandes lignes l’histoire de cet homme, ayant fait ses études d’avocat en Angleterre, et parti en Afrique du Sud où il commença à développer ses actions pour la dignité humaine et la justice sociale, et à organiser la lutte pour les droits civiques de la communauté indienne. De retour en Inde, il fit la promesse à celui qu’il nomma son guru (maître) politique, Gokhale, de ne formuler aucune opinion pendant un an, mais seulement de prendre le temps de voyager, et d’observer. C’est, par la suite, qu’il décida d’accompagner les ouvriers, agriculteurs et les travailleurs au sens large dans leur combat contre les taxes jugées trop élevées, et il poursuivit son combat contre la discrimination et les lois coloniales.

Son entrée en politique a été marquée par son opposition aux Rowlatt Bills, qui conféraient entre autre au Gouvernement les pleins pouvoirs en cas de situations dangereuses. Gandhi s’y opposa, en disant : « Etant consciencieusement d’avis que les Rowlatt Bills sont injustes, contraires aux principes de liberté et de justice, et à l’encontre des droits élémentaires individuels sur lesquels la sécurité de la communauté dans son ensemble et de l’Etat lui-même est basée, nous affirmons solennellement que nous refusons civilement d’appliquer ces lois ».

Gandhi mena une campagne nationale pour l’aide aux pauvres, pour la libération des femmes indiennes, pour la fraternité entre les communautés de différentes religions ou ethnies, pour une fin de l’intouchabilité et de la discrimination des castes, et pour l’autosuffisance économique de la nation, et plus fondamentalement pour l’indépendance de l’Inde de toute domination étrangère.

Sa définition de la démocratie nous a laissés pensifs : « ma notion de la démocratie est qu’en démocratie les plus faibles devraient avoir les mêmes opportunités que les plus forts… Aucun pays dans le monde aujourd’hui ne porte un regard sur les faibles autre qu’un regard de domination… Les démocraties occidentales, telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui, sont du fascisme dilué… Une vraie démocratie ne peut pas fonctionner autour de 20 hommes, siégeant en son centre. Cela doit fonctionner par la base avec les gens de chaque village ».

« Je ne crois pas en la doctrine du plus grand bien pour le plus grand nombre. C’est-à-dire dans cette idée simpliste que pour atteindre le supposé bien pour 51% des gens, l’intérêt des 49% restants pourrait, ou même, devrait être sacrifié. C’est une doctrine sans cœur, qui a fait du mal à l’humanité. La seule vraie doctrine humaine et digne est de rechercher le meilleur pour tous. »

Gandhi, dans ses multiples combats, conduisit la célèbre marche du sel, symbole fort de son opposition à la taxe sur le sel.

« Après l’air et l’eau, le sel est peut-être l’une des premières nécessités. C’est le seul condiment des pauvres. Même les troupeaux ne peuvent pas vivre sans sel. »  C’est ainsi que Gandhi écrivit au Vice-Roi : « je considère cette taxe comme la plus injuste de toutes, du point de vue des pauvres. Comme le mouvement d’indépendance est mené essentiellement pour les pauvres, il commencera par le sel ».

Profondément religieux et adepte de la philosophie indienne, il vivait très simplement, comme en témoigne le musée, et avait organisé un ashram qui était autosuffisant, et conforme à ses idéaux. Il faisait et lavait ses vêtements, et était un militant végétarien. dscn6429Chaque journée à l’ashram commençait par une prière commune et finissait de la même manière, le reste de la journée étant réservé au travail. Ce lieu de méditation a été le témoin de plusieurs grandes décisions de Gandhi.

Gandhi avait fondé cet ashram à Ahmedabad, car il était gujarati, mais surtout parce qu’Ahmedabad avait été un centre de tissage et que cela lui paraissait idéal pour relancer l’industrie locale de filage à la main et de fabrication de textile local, dit khadi. Il avait aussi dans l’idée qu’étant une capitale d’Etat, il serait plus simple de trouver des ressources financières pour l’ashram.

Son ashram s’appelait le Satyagraha ashram, puisque la recherche de la Satya (Vérité) était au centre de la philosophie gandhienne. Et son ashram était en cela un laboratoire. Gandhi disait : « ma vie est dédiée à la quête de la vérité. Je vivrai, et si cela doit être, je mourrai, pour cette quête. » Dans sa constance et son exemplarité, il a toujours considéré que la venue de membres de sa famille dans l’ashram n’était pas « gratuite » et que cela devait être compensé financièrement. De la même manière, sa sœur a demandé à Gandhi de préparer sa nourriture séparément de celle de Dudabhai, qui était un enseignant intouchable qui venait de rejoindre l’ashram. Gandhi lui a dit que ce n’était pas la règle de l’ashram et que si elle n’était pas prête à s’y conformer, elle devrait partir. Ce qu’elle fit !

Sa vision sur les castes et plus spécifiquement les intouchables étaient révolutionnaires, et pas toujours acceptée au sein même de son ashram, comme le montre l’exemple de sa sœur. Gandhi avait à ce sujet une vision très pragmatique : « à sa source, l’intouchabilité était une règle liée à la santé publique, et cette règle existe toujours dans de nombreux pays. C’est à dire que si une personne ou une chose est sale, elle est intouchable (au sens étymologique du terme : on ne la touche pas), mais dès que la saleté n’est plus, alors elle n’est plus intouchable ».

Pour entrer dans l’ashram, Gandhi avait établi des principes auxquels il fallait se conformer, basés sur les préceptes hindouistes et complétés de quelques règles spécifiques.

  • Satya : la vérité – Sat signifie « ce qui est ». Rien n’est ou n’existe sauf la Vérité. Sans la Vérité, il est impossible d’observer quelque principe ou règle.
  • Ahimsa : la non-violence, en tant que moyen pour chercher et trouver la Vérité. Gandhi a toujours appliqué cela dans tous ses combats. C’était un théoricien de la désobéissance civile de masse, non violente.
  • Brahmacharya : célibat, ou dans le cadre de l’ashram le renoncement au plaisir des sens, ou du moins le contrôle des sens
  • Aparigraha : la non-possession
  • Asteya : ne pas voler
  • Asprushyatanivaran : éradication de l’intouchabilité – pour Gandhi, c’était clé pour supprimer les barrières entre les hommes
  • Swashraya : le travail – Gandhi disait : « comment un homme qui ne fait pas un travail peut avoir le droit de manger ? »
  • Sarvadharma Samabhaw : le respect de toutes les religions
  • Swadeshi : l’utilisation de produits locaux – notamment le khadi, une étoffe tissée dans les maisons, plutôt que les vêtements fabriqués à l’étranger. Le khadi, comme le rouet, qui servait à le tisser, devint un véritable symbole de la lutte pour l’indépendance. Pour Gandhi, cet acte était simple et permettait de soutenir les paysans et les ouvriers.
  • Abhay : ne pas avoir peur – et notamment pour Gandhi, un chercheur de Vérité ne doit pas avoir peur des castes ou du gouvernement, ni de la pauvreté ou de la mort
  • Aswad : contrôle du goût. Pour Gandhi, la nourriture devait être prise avec modération, pour donner au corps juste ce dont il a besoin.

Dans les différentes anecdotes que nous avons pu lire, on y trouve de nombreux exemples de son exemplarité sur ces différents principes. Y compris, lorsque Gandhi fut arrêté, jugé et envoyé en prison, il continua à se conformer à ses principes et demanda à ses « disciples » d’en faire de même.

Lors d’une grève importante menée par des ouvriers pour diminuer leurs taxes, plusieurs d’entre eux se plaignaient que Gandhi et ses disciples se promenaient en voiture, dormaient bien et mangeaient à leur faim, alors qu’eux mourraient de faim. Gandhi décida alors, conforme à ses vœux, de ne plus toucher à la nourriture jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé avec les ouvriers. Ce fut l’un de ses premiers jeûnes, comme moyen de protestation, d’influence, et de réforme.

La vision  du Swashraya (le juste labeur), liée à sa conception des droits et des devoirs

« Je dis qu’au travers de la violence, on ne peut pas obtenir, même ce qui nous est normalement dû.  Je dis que l’on n’a pas de droits sans devoirs. Celui qui n’a pas de devoirs, n’a pas de droits non plus. Cela signifie que tous les droits surviennent à partir de devoirs. Sinon, il n’y a pas de droits.  C’est simplement lorsque je remplis certains devoirs que j’en retire les résultats. Ces résultats sont mes droits. »

Le rôle des femmes dans la lutte de Gandhi – parole de Kasturba, la femme de Gandhi

« Nos hommes combattent le gouvernement pour la recherche de la Vérité. Nous devons les encourager dans leur lutte. Nous devons les soutenir courageusement quel que soit le harcèlement que le Gouvernement pourrait nous faire subir. Le boycott de l’alcool et des vêtements étrangers est une mission que les femmes doivent mener. Les hommes n’ont pas la chance d’avoir le bon sens que nous avons, et qui nous permet de mieux comprendre que les hommes le langage du chagrin. »

L’humilité de continuer à apprendre

Lors d’une visite dans un village, Gandhi avait demandé à Kasturba de dire aux pauvres femmes de porter des vêtements propres. L’une de ces pauvres femmes prit Kasturba à part, et lui dit : « regarde par toi-même. Il n’y a ni armoire, ni aucune autre place pour ranger des vêtements. Ce sari que je porte, est le seul que j’ai. Comment puis-je le laver même si je le voulais ? Va et dis au Mahatma de nous trouver des vêtements afin que nous puissions les laver et porter des affaires propres ». Lorsque Kasturba rapporta cet échange à Gandhi, il réalisa la réalité de la pauvreté indienne et en fut profondément touché.

Dans l’Inde que nous côtoyons depuis quelques semaines, et avec une vision bien sûr très partielle (cela ne fait pas 1 an comme Gandhi que nous observons ce pays, ni même que nous allons à la rencontre de ses habitants), nous avons été surpris par la modernité des combats qu’il menait, et sa dimension malheureusement toujours très actuelle. Son exemplarité nous a marqués, et suscite encore et toujours l’admiration. Difficile de combattre un homme sans compromission !

Voici quelques exemples de commentaires qu’il a pu susciter :

« C’est l’homme qui a conduit 300 millions d’hommes à la révolte, qui a ébranlé les fondations de l’Empire Britannique, qui a introduit en politique le plus fort élan religieux dans ces 2000 dernières années. »  Romain Rolland

« Le grand Goethe et le saint humaniste Gandhi ont eu un profond impact sur ma vie et ma philosophie. Les deux ont atteint un accomplissement intérieur à travers le principe de l’amour ». Albert Schweitzer

« Soyez prudent lorsque vous avez affaire à un homme qui ne s’intéresse ni à sa propre condition, ni à une quelconque reconnaissance, mais qui est simplement déterminé à faire ce qu’il croit être juste. C’est un ennemi dangereux et inconfortable parce que vous pourriez toujours atteindre son corps, mais sans jamais atteindre son esprit ». Professeur Gilbert Murray

Celui que l’on nomme désormais le Mahatma Gandhi, (du sanskrit, mahatma, « grande âme »), n’a jamais accepté ce titre de son vivant. Il préférait qu’on le nomme simplement Gandhi, Gandhiji, ou Bapu (« père »). C’était, en partie, annonciateur, puisque Gandhiji est désormais reconnu comme le Père de la Nation en Inde, où son anniversaire est une fête nationale. Cette même date a été déclarée « Journée internationale de la non-violence » par l’ONU en 2007.

Pour conclure, une dernière parole de celui qui est bien, pour nous, un Mahatma, une grande âme :

« Le bonheur, c’est quand ce que l’on pense, ce qu’on dit, et ce que l’on fait sont en harmonie ».

Ainsi soit-il !

3 réflexions sur “Ahmedabad – sur les traces de Gandhi

  1. Yanne

    Salut les amis,
    Merci pour toutes ces nouvelles de votre aventure.
    Vous nous manquez et j’espère que vous ne vous sentez pas trop loin de chez vous.
    J’imagine que la soif de découverte vous emmène toujours plus loin en avant et c’est tant mieux.
    Je vous embrasse fort!

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  2. Montréjaud-Vignoles Mireille

    Magnifique! Cela me donne envie d’y aller…
    Journée internationale de la non-violence » par l’ONU en 2007 : il y a donc 364 jours de violence…Cela me glace! Que de travail en perspective!
    « Le bonheur, c’est quand ce que l’on pense, ce qu’on dit, et ce que l’on fait sont en harmonie »: il n’y a plus de division! Superbe!

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